Je pourrais dire ce que je veux, ça ne changerais rien. Je ne te reconnais plus, dans ces moments là tu n'est qu'un dangereux inconnu. Dans ces moment là c'est une petite conne qui te parle à ma place, parce-que moi je me déconnecte, je ne sais plus quoi dire, alors elle parle, elle parle et elle empire la situation et elle s'emmele et tu me hais, tu hais le monde entier.
Dans ces moments là, c'est juste une envie de tout casser qui te transperce le coeur, enfin je pense. Dans ces moments là je voudrais savoir, je voudrais te tendre des bibelots que tu jetterais contre les murs, je voudrais te donner des mots à déchirer, te tendre ta guitare que tu joues à nous arracher les oreilles, te tendre ma main que tu la mordes si c'est ce dont tu as besoin. Mais dans ces moments là, tu vois on est tous des petits cons, alors on te parle de raison parce-qu'on à pas les bons mots, parce-que c'est plus raisonnable.
Voilà, tout ça pour te dire que. Je suis sûre que tu comprendras que y'a rien à comprendre. J'ai toujours eue du mal à m'exprimer, parce-que c'est pas parce-qu'on sait sortir des phrases en toc qu'elles veulent dire quelquechose. Tu sais quoi, si t'as envie de tout casser, et bien casse. C'est toujours mieux que de baisser les bras& aprés tout, rien n'est irremplaçable...
"- Et tu crois, toi, que les fleurs...
- Mais non ! Mais non ! Je ne crois rien ! J'ai répondu n'importe quoi. Je m'occupe, moi, de choses sérieuses !
Il me regarda stupéfiait.
- De choses sérieuses !
Il me voyait, mon marteau à la main, et les doigts noirs de cambouis, penché sur un objet qui lui semblait très laid.
- Tu parles comme les grandes personnes !
Ça me fit un peu honte. Mais, impitoyable, il ajouta :
- Tu confonds tout... tu mélanges tout !
Il était vraiment très irrité. Il secouait au vent des cheveux tout dorés :
- Je connais une planète où il y a un Monsieur cramoisi. Il n'a jamais respiré une fleur. Il n'a jamais regardé une étoile. Il n'a jamais aimé personne. Il n'a jamais rien fait d'autre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi : "Je suis un homme sérieux ! Je suis un homme sérieux !" et ça le fait gonfler d'orgueil. Mais ce n'est pas un homme, c'est un champignon !
- Un quoi ?
- Un champignon !
Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.
- Il y a des millions d'années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions d'années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n'est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien ? Ce n'est pas important la guerre des moutons et des fleurs ? Ce n'est pas plus sérieux et plus important que les additions d'un gros Monsieur rouge ? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n'existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu'un petit mouton peut anéantir d'un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu'il fait, ce n'est pas important ça !
Il rougit, puis reprit :
- Si quelqu'un aime une fleur qui n'existe qu'à un exemplaire dans les millions et les millions d'étoiles, ça suffit pour qu'il soit heureux quand il les regarde. Il se dit : Ma fleur est là quelque part... Mais si le mouton mange la fleur, c'est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s'éteignaient ! Et ce n'est pas important ça !
Il ne put rien dire de plus. Il éclata brusquement en sanglots. La nuit était tombée. J'avais lâché mes outils. Je me moquais bien de mon marteau, de mon boulon, de la soif et de la mort. Il y avait, sur une étoile, une planète, la mienne, la Terre, un petit prince à consoler ! Je le pris dans les bras. Je le berçai. Je lui disais : La fleur que tu aimes n'est pas en danger... Je lui dessinerai une muselière, à ton mouton... Je te dessinerai une armure pour ta fleur... Je... Je ne savais pas trop quoi dire. Je me sentais très maladroit. Je ne savais comment l'atteindre, où le rejoindre... C'est tellement mystérieux, le pays des larmes."
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